Un magnétophone Revox B77
Voici un spendide appareil enregistreur à
bandes, un Revox B77.
Déjà magnifiquement restauré par un ami, cet appareil est
comme neuf mais présente un souci
ennuyeux. Voyons voir cela...
Clic sur les
images pour agrandir.
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Magnifique construction et présentation sobre pour cet
appareil bien connu.
Il s'agit ici de la version 2 pistes.
La documentation complète (avec les variantes des
schémas, qui ont leur importance) est disponible sur l'excellent site hi-fi
engine.
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Vu de derrière, l'intérieur de cet appareil sophistiqué.
Une réalisation impeccable, tant mécanique
qu'électronique.
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Quel est donc le souci de cet engin ?
Pour lancer l'enregistrement, il faut pousser sur les
touches REC et PLAY, cela démarre et ensuite on peut relacher... enfin
cela
devrait aller comme cela !
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Mais ici dès qu'on relache les touches, l'enregistrement
stoppe.
Pour qu'il continue, il faut garder la touche PLAY"
enfonçée. Bizarre !
Car en lecture, cela fonctionne parfaitement, et normalement.
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Voici la platine qui gère la logique de commande. Déjà
rénovée avec nouveaux condensateurs Panasonic FC et des supports neufs
pour les circuits intégrés.
A première vue, rien d'anormal dans le câblage ou le
remontage des composants...
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Voici le schéma de cette platine.
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Les commandes sont les boutons poussoirs sur le dessus
du schéma, ceux-ci fonctionnent en parallèle avec ceux de la commande à
distance, via la prise multiple de gauche. Ces boutons fonctionnant en
24V DC, et pilotant des circuits TTL (qui eux fonctionnent en 5V), on
retrouve donc des diviseurs de tension à deux résistances entre chaque
bouton + 1 condensateur électrolytique faisant office "d'anti-rebond"
sur les entrées des portes logiques TTL.
Les fonctions sont mémorisées par les bascules
R-S à deux portes NAND contenues dans IC3. C'est au passage
à zéro des entrées que la bascule change d'état, et donc les états des
boutons poussoirs sont inversés par les portes NOR de IC4. Ces portes
font
aussi des équations OU pour certaines fonctions, par exemple appuyer
sur REW (retour arrière) stoppe la lecture.
Les sorties de ces bascules sont connectées en entrée
d'une mémoire PROM qui gère les moteurs et freins en fonction de
l'opération demandée : lecture, enregistrement, retour arrière ou
avance rapide. La fonction PAUSE ne passe pas par une bascule, elle est
fugitive (active tant que la touche est maintenue enfoncée).
La première chose à vérifier est le fonctionnement de
ces bascules, il y en a une pour PLAY et une pour REC (enregistrement).
Celle de la fonction enregistrement est remise à zéro
par une
sortie de la PROM, et fonctionne normalement.
Par contre, celle de la
fonction PLAY est bien remise à zéro "par quelque chose" lors de la
fonction
enregistrement. Le
fait de garder le bouton PLAY enfoncé conserve la mémoire (l'entrée
de "set" reste à zéro), mais dès que
cette entrée revient à 1 par relâchement de la touche, la bascule est
remise à zéro par la broche 10
de IC3 qui est à l'état logique 0 !
Alors qu'en lecture ce n'est pas le
cas, cette broche 10 reste bien à l'état logique 1. Bizarre !
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En un peu plus grand, le détail sur les portes logiques.
Ce qui peut provoquer l'arrêt de la fonction PLAY est surligné en jaune.
Mesures sur la broche 3 de IC4 : 0,2V en lecture et 1,6V
en enregistrement. C'est limite, mais 1,6V est suffisant comme tension
pour
faire passer la sortie de cette porte à 0 ! Et donc faire le reset de
la fonction PLAY lors de l'enregistrement...
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La première chose à faire est de s'assurer que cela ne
soit pas une bonne grosse blague, comme un problème quelque part dans
le clavier (court-circuit larvé entre pistes, résistance d'un contact
qui n'est pas infinie quand celui-ci est ouvert,...).
Mesures à l'ohmmètre : tout est ok de ce côté. Cela ne
vient pas non plus du contact du switch "éditing lever" (mesure de
tension sur l'anode de D6).
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Dès lors, cela ne peut plus venir que du montage de
détection de bande présente "tape end"...
Voici cette partie du schéma en plus grand.
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Le capteur "tape-end sensor" est constitué d'un ensemble
LED infra-rouge et d'un photo-transistor. La bande passe entre ces deux
composants, et donc la lumière passe à travers la bande, pour venir sur
le photo-transistor.
En lecture, avec une bande, on a donc un signal faible
en sortie (émetteur) du photo transistor puisqu'il ne reçoit pas (ou
peu) de lumière. La tension de sortie est fonction de la bande utilisée
: avec une bande très sombre, la tension est faible.
S'il n'y a plus de bande (cassée, ou fin de lecture ou
de rembobinage), le photo-transistor va recevoir beaucoup de lumière,
puisque la bande ne s'oppose plus au passage de celle-ci, et la tension
à son émetteur va augmenter. Si cette tension dépasse celle de la zéner
D2 (à travers R6), le transistor Q10 va devenir conducteur, activant
ainsi Q11 qui va conduire à son tour et envoyer une tension sur le
circuit de STOP.
Le montage autour de Q12 est un "survey" de tension 5V :
tant que celle-ci est ok le transistor conduit. Par contre si la
tension 5V chute, ce transistor ne conduit plus, et par R15 et D4 une
tension de commande va activer Q10 : ce sera comme une fin de bande,
avec activation du signal STOP par Q11. Ceci a probablement été conçu
pour être certain que la tension de la logique de commande soit
correcte et que tout se passe bien, les ingénieurs ont prévu
de stopper les fonctions de l'appareil si souci sur cette alimentation
: pour éviter des problèmes et malfonctions dans le
pilotage de la mécanique.
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La mesure de tension est prise entre la R6 de 4,7kΩ et
la
zéner D2 (zone surlignée en jaune sur le schéma ci-dessus).
En mode PLAY on mesure ici 15,2V avec une bande assez
claire (Akai). Avec une bande sombre (Maxell) on mesure ici 2,9V ce qui
est
logique puisque le photo transistor reçoit moins de lumière de la LED
émettrice.
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Avec la même bande, mesure au même endroit...
En enregistrement on mesure 13,6V. Mais ... le simple
fait de placer le multimètre à cet endroit stoppe le souci de départ :
il n'y
a plus besoin de maintenir la touche PLAY enfoncée pour enregistrer !
Ce serait toutefois trop simple. Car pour prolonger
le casse-tête : avec la bande sombre, malgré une tension bien plus
faible, cela ne fonctionne toujours pas dans cette condition !
Malédiction !
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Pourquoi des tensions différentes, avec la même bande et
au
même endroit ? Souci mécanique de positionnement de la bande en
enregistrement ?
Voici le capteur opto électronique (entouré en rouge sur
la photo) : le photo transistor est au dessus et la LED est en dessous,
derrière le renflement dans la face avant.
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A première vue pas de souci mécanique, et la bande se
postionne bien de la même façon que ce soit en lecture ou en
enregistrement.
Démontage de la face avant de l'appareil, pour voir
l'ensemble du capteur, et puis essais avec différentes bandes : le
positionnement
mécanique est identique, et le capteur semble bien en ordre.
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Bon ! La mécanique semble ok, le capteur aussi, mais les
tensions sont
bizarres. Souci électrique pas vu au multimètre ?
L'oscilloscope va venir à l'aide...
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La tension 24V DC prise sur le collecteur du photo
transistor (photo ci-dessus), pendant la lecture d'une bande.
Configuration du scope. Vertical : entrée en mode AC, 1V
/ div,
sonde 1:1. Horizontal : 5ms / div.
Un "ripple" 100Hz assez important mais conforme à la
spécification de la documentation technique.
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Mêmes conditions de mesure, sur l'émetteur du
photo transistor en mode PLAY.
Logique, pas de souci...
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Toujours sur l'émetteur du photo transistor et mêmes
conditions de mesure... en mode REC, avec usage d'une bande magnétique
claire (Akai).
C'est quoi ce signal ?
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Toujours au même endroit, avec usage d'une une bande
sombre (Maxell) !
On trouve ici un signal à "haute" fréquence sur le photo
transistor...
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Passons la base de temps horizontale à 2µs / div pour
voir à quoi ressemble ce signal HF.
Un signal autour de 140kHz ?
OOOOH : cela ressemble
furieusement au signal de l'oscillateur d'effacement !!
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Mesurons directement sur la tête d'effacement (5V / div
et sonde
1:1) : c'est bien cela ! 30V pointe à pointe, logique pour une tête
d'effacement.
Le signal de retour du capteur est donc bien modulé par
celui de l'oscillateur d'effacement.
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Comment est-ce possible ?
En regardant à nouveau cette
photo,
on voit que les conducteurs allant à la tête d'effacement ne sont pas
blindés
(curieux...).
Et
de plus, ceux provenant du capteur fin de bande (non blindés non plus)
ont été
rassemblés, lors de la restauration, dans la même gaine spiralée que
ceux allant à la tête d'effacement.
En mode lecture, il n'y a
évidemment
aucun signal d'effacement, mais ce signal est bien présent en
enregistrement !
Influence des conducteurs de signal d'effacement sur les
conducteurs du
capteur ? C'est bien possible, car le signal allant à la tête
d'effacement a une fameuse amplitude, comme on le voit ci-dessus !
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Pour faire l'essai, séparons-les...
Sur la photo les fils provenant du capteur passent
librement sous la carte d'alimentation, il n'y a qu'un petit morceau de
gaine spiralée dessus, pour passer dans l'aluminium du châssis.
Les conducteurs
vers la tête d'effacement sont eux dans la gaine spiralée noire
utilisée lors de la restauration. Ils sont maintenant écartés de +/-
2cm par rapport à ceux du capteur.
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En se remettant dans les mêmes conditions de mesure que
ci-dessus, voici le signal de sortie du capteur, maintenant... par
simple écartement des
conducteurs !
L'appareil fonctionne maintenant parfaitement, malgré un
peu de signal "effacement" passant encore dans les conducteurs du
capteur. Ce signal affolait probablement l'électronique
d'amplification, car détecté soit par la zéner soit par le premier
transistor, puis amplifié vers la logique de commande.
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En examinant la doc complète de l'appareil, un autre
schéma montre une modification de la
platine de commande a eu lieu sur des versions ultérieures, et ....
justement au niveau du retour de ce capteur ! Un potentiomètre
ajustable de 470kΩ a été placé,
ainsi qu'un condensateur de 10nF (probablement pour faire filtre au
signal d'effacement), et la
tension de la zéner a été diminuée à 5,6V. Ainsi on amène à la cathode
de la zener un signal
déjà affaibli et filtré
provenant du capteur, cela supprime probablement l'effet qui a été
constaté dans cet appareil-ci.
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On peut toujours faire un essai, ici une R de 2,2MΩ et
un
condensateur de 10nF en parallèle, montés entre le point de connexion
R6 / D2 et la masse.
Montage d'essais, avec deux fils et des "grips" côté
circuit imprimé, et les deux composants sur pinces crocos... Malgré un
retour à la masse fait "n'importe où" sur le châssis, ce petit filtre
diminue bien le signal d'effacement en entrée de Q10.
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L'ennui de travailler avec des grip-fil sur des pattes
de composants... la proximité. Un contact fortuit est possible, et bien
sur...
Patch ! Une simple "touchette" et un transistor (Q11)
claqué,
plus un second (Q10) mal en point... Plus de peur que de mal, les voila
remplacés par d'authentiques Siemens datant de l'époque de l'appareil !
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Tant qu'à avoir extrait la platine...
Installation côté soudures du filtre passe-bas
rudimentaire, mais qui
fonctionne. Après quelques essais, les deux composants ne sont
finalement pas montés directement en
parallèle
mais câblés selon le schéma ci-dessous.
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Les ajouts sont dessinés en rouge : la résistance de
2,2MΩ est montée directement
entre émetteur du photo-transistor et la masse, tandis que le
condensateur de 10nF est monté après la résistance de 4,7kΩ et la masse.
Les connexions de ces deux composants côté masse sont
prises sur la soudure de la résistance R7.
Avec cet ajout, et installé ainsi (selon le schéma,
connexions courtes et retour à la masse au point de connexion de R7),
il n'y a plus la moindre
trace de signal HF au point de connexion R6 / D2.
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Et voila !
Il ne reste plus qu'à remettre les conducteurs du
capteur "tape end" en place définitive et dans une belle gaine
spiralée... Mais cette fois, éloignés des conducteurs de la tête
d'effacement !
Test de longévité et sonorité : même avec une bande de
qualité moyenne, le résultat enregistré est vraiment excellent, comme
toujours avec ces magnifiques machines suisses !
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Petites causes, grands effets ... Ici rien de grave
finalement, mais un souci qui aura eu le mérite de faire réfléchir !
Comme quoi, en électronique, il y a toujours une explication logique à
des phénomènes bizarres ! Et ce qui est bien, c'est qu'il est
possible de les mesurer et les mettre en évidence.
Précision : il a fallu plus de temps pour créer cette page que pour
dépanner l'engin, prise de photos comprises...
On peut juste s'interroger dans le cas de cet appareil :
pourquoi les conducteurs vers la tête d'effacement (et pareil vers la
tête d'enregistrement) ne sont-ils pas blindés ? Pour éviter un effet
capacitif entre le conducteur actif et le blindage ? Curieux !
© Radiocollection.be
-Thierry Magis 2022
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