Un magnétophone Revox B77


Voici un spendide appareil enregistreur à bandes, un Revox B77.

Déjà magnifiquement restauré par un ami, cet appareil est comme neuf mais présente un souci ennuyeux. Voyons voir cela...

Clic sur les images pour agrandir.

Revox B77

Magnifique construction et présentation sobre pour cet appareil bien connu.

Il s'agit ici de la version 2 pistes.

La documentation complète (avec les variantes des schémas, qui ont leur importance) est disponible sur l'excellent site hi-fi engine.

Revox B77

Vu de derrière, l'intérieur de cet appareil sophistiqué.

Une réalisation impeccable, tant mécanique qu'électronique.

Revox B77

Quel est donc le souci de cet engin ?

Pour lancer l'enregistrement, il faut pousser sur les touches REC et PLAY, cela démarre et ensuite on peut relacher... enfin cela devrait aller comme cela !

Revox B77

Mais ici dès qu'on relache les touches, l'enregistrement stoppe.

Pour qu'il continue, il faut garder la touche PLAY" enfonçée. Bizarre !
Car en lecture, cela fonctionne parfaitement, et normalement.

Revox B77

Voici la platine qui gère la logique de commande. Déjà rénovée avec nouveaux condensateurs Panasonic FC et des supports neufs pour les circuits intégrés.

A première vue, rien d'anormal dans le câblage ou le remontage des composants...

Revox B77

Voici le schéma de cette platine.

Les commandes sont les boutons poussoirs sur le dessus du schéma, ceux-ci fonctionnent en parallèle avec ceux de la commande à distance, via la prise multiple de gauche. Ces boutons fonctionnant en 24V DC, et pilotant des circuits TTL (qui eux fonctionnent en 5V), on retrouve donc des diviseurs de tension à deux résistances entre chaque bouton + 1 condensateur électrolytique faisant office "d'anti-rebond" sur les entrées des portes logiques TTL.

Les fonctions sont mémorisées par les bascules  R-S  à deux portes NAND contenues dans IC3.  C'est au passage à zéro des entrées que la bascule change d'état, et donc les états des boutons poussoirs sont inversés par les portes NOR de IC4. Ces portes font aussi des équations OU pour certaines fonctions, par exemple appuyer sur REW (retour arrière) stoppe la lecture.

Les sorties de ces bascules sont connectées en entrée d'une mémoire PROM qui gère les moteurs et freins en fonction de l'opération demandée : lecture, enregistrement, retour arrière ou avance rapide. La fonction PAUSE ne passe pas par une bascule, elle est fugitive (active tant que la touche est maintenue enfoncée).

La première chose à vérifier est le fonctionnement de ces bascules, il y en a une pour PLAY et une pour REC (enregistrement).

Celle de la fonction enregistrement est remise à zéro par une sortie de la PROM, et fonctionne normalement.
Par contre, celle de la fonction PLAY est bien remise à zéro "par quelque chose" lors de la fonction enregistrement. Le fait de garder le bouton PLAY enfoncé conserve la mémoire (l'entrée de "set" reste à zéro), mais dès que cette entrée revient à 1 par relâchement de la touche, la bascule est remise à zéro par la broche 10 de IC3 qui est à l'état logique 0 !
Alors qu'en lecture ce n'est pas le cas, cette broche 10 reste bien à l'état logique 1. Bizarre !


Revox B77

En un peu plus grand, le détail sur les portes logiques. Ce qui peut provoquer l'arrêt de la fonction PLAY est surligné en jaune.

Mesures sur la broche 3 de IC4 : 0,2V en lecture et 1,6V en enregistrement. C'est limite, mais 1,6V est suffisant comme tension pour faire passer la sortie de cette porte à 0 ! Et donc faire le reset de la fonction PLAY lors de l'enregistrement...

Revox B77

La première chose à faire est de s'assurer que cela ne soit pas une bonne grosse blague, comme un problème quelque part dans le clavier (court-circuit larvé entre pistes, résistance d'un contact qui n'est pas infinie quand celui-ci est ouvert,...).

Mesures à l'ohmmètre : tout est ok de ce côté. Cela ne vient pas non plus du contact du switch "éditing lever" (mesure de tension sur l'anode de D6).

Revox B77

Dès lors, cela ne peut plus venir que du montage de détection de bande présente "tape end"...

Voici cette partie du schéma en plus grand.

Le capteur "tape-end sensor" est constitué d'un ensemble LED infra-rouge et d'un photo-transistor. La bande passe entre ces deux composants, et donc la lumière passe à travers la bande, pour venir sur le photo-transistor.

En lecture, avec une bande, on a donc un signal faible en sortie (émetteur) du photo transistor puisqu'il ne reçoit pas (ou peu) de lumière. La tension de sortie est fonction de la bande utilisée : avec une bande très sombre, la tension est faible.

S'il n'y a plus de bande (cassée, ou fin de lecture ou de rembobinage), le photo-transistor va recevoir beaucoup de lumière, puisque la bande ne s'oppose plus au passage de celle-ci, et la tension à son émetteur va augmenter. Si cette tension dépasse celle de la zéner D2 (à travers R6), le transistor Q10 va devenir conducteur, activant ainsi Q11 qui va conduire à son tour et envoyer une tension sur le circuit de STOP.

Le montage autour de Q12 est un "survey" de tension 5V : tant que celle-ci est ok le transistor conduit. Par contre si la tension 5V chute, ce transistor ne conduit plus, et par R15 et D4 une tension de commande va activer Q10 : ce sera comme une fin de bande, avec activation du signal STOP par Q11. Ceci a probablement été conçu pour être certain que la tension de la logique de commande soit correcte et que tout se passe bien, les ingénieurs ont prévu de stopper les fonctions de l'appareil si souci sur cette alimentation : pour éviter des problèmes et malfonctions dans le pilotage de la mécanique.


Revox B77

La mesure de tension est prise entre la R6 de 4,7kΩ et la zéner D2 (zone surlignée en jaune sur le schéma ci-dessus).

En mode PLAY on mesure ici 15,2V avec une bande assez claire (Akai). Avec une bande sombre (Maxell) on mesure ici 2,9V ce qui est logique puisque le photo transistor reçoit moins de lumière de la LED émettrice.

Revox B77

Avec la même bande, mesure au même endroit...
En enregistrement on mesure 13,6V. Mais ... le simple fait de placer le multimètre à cet endroit stoppe le souci de départ : il n'y a plus besoin de maintenir la touche PLAY enfoncée pour enregistrer !
Ce serait toutefois trop simple. Car pour prolonger le casse-tête : avec la bande sombre, malgré une tension bien plus faible, cela ne fonctionne toujours pas dans cette condition ! Malédiction !

Revox B77

Pourquoi des tensions différentes, avec la même bande et au même endroit ? Souci mécanique de positionnement de la bande en enregistrement ?

Voici le capteur opto électronique (entouré en rouge sur la photo) : le photo transistor est au dessus et la LED est en dessous, derrière le renflement dans la face avant.

Revox B77

A première vue pas de souci mécanique, et la bande se postionne bien de la même façon que ce soit en lecture ou en enregistrement.

Démontage de la face avant de l'appareil, pour voir l'ensemble du capteur, et puis essais avec différentes bandes : le positionnement mécanique est identique, et le capteur semble bien en ordre.

Revox B77

Bon ! La mécanique semble ok, le capteur aussi, mais les tensions sont bizarres. Souci électrique pas vu au multimètre ?

L'oscilloscope va venir à l'aide...

Revox B77

La tension 24V DC prise sur le collecteur du photo transistor (photo ci-dessus), pendant la lecture d'une bande.

Configuration du scope. Vertical : entrée en mode AC, 1V / div, sonde 1:1. Horizontal : 5ms / div.

Un "ripple" 100Hz assez important mais conforme à la spécification de la documentation technique.

Revox B77

Mêmes conditions de mesure, sur l'émetteur du photo transistor en mode PLAY.

Logique, pas de souci...

Revox B77

Toujours sur l'émetteur du photo transistor et mêmes conditions de mesure... en mode REC, avec usage d'une bande magnétique claire (Akai).

C'est quoi ce signal ?

Revox B77

Toujours au même endroit, avec usage d'une une bande sombre (Maxell) !

On trouve ici un signal à "haute" fréquence sur le photo transistor...

Revox B77

Passons la base de temps horizontale à 2µs / div pour voir à quoi ressemble ce signal HF.

Un signal autour de 140kHz ?
OOOOH : cela ressemble furieusement au signal de l'oscillateur d'effacement !!

Revox B77

Mesurons directement sur la tête d'effacement (5V / div et sonde 1:1) : c'est bien cela ! 30V pointe à pointe, logique pour une tête d'effacement.

Le signal de retour du capteur est donc bien modulé par celui de l'oscillateur d'effacement.

Comment est-ce possible ?

En regardant à nouveau cette photo, on voit que les conducteurs allant à la tête d'effacement ne sont pas blindés (curieux...).

Et de plus, ceux provenant du capteur fin de bande (non blindés non plus) ont été rassemblés, lors de la restauration, dans la même gaine spiralée que ceux allant à la tête d'effacement.
En mode lecture, il n'y a évidemment aucun signal d'effacement, mais ce signal est bien présent en enregistrement !

Influence des conducteurs de signal d'effacement sur les conducteurs du capteur ? C'est bien possible, car le signal allant à la tête d'effacement a une fameuse amplitude, comme on le voit ci-dessus !


Revox B77

Pour faire l'essai, séparons-les...

Sur la photo les fils provenant du capteur passent librement sous la carte d'alimentation, il n'y a qu'un petit morceau de gaine spiralée dessus, pour passer dans l'aluminium du châssis.
Les conducteurs vers la tête d'effacement sont eux dans la gaine spiralée noire utilisée lors de la restauration. Ils sont maintenant écartés de +/- 2cm par rapport à ceux du capteur.

Revox B77

En se remettant dans les mêmes conditions de mesure que ci-dessus, voici le signal de sortie du capteur, maintenant... par simple écartement des conducteurs !

L'appareil fonctionne maintenant parfaitement, malgré un peu de signal "effacement" passant encore dans les conducteurs du capteur. Ce signal affolait probablement l'électronique d'amplification, car détecté soit par la zéner soit par le premier transistor, puis amplifié vers la logique de commande.

Revox B77

En examinant la doc complète de l'appareil, un autre schéma montre une modification de la platine de commande a eu lieu sur des versions ultérieures, et .... justement au niveau du retour de ce capteur ! Un potentiomètre ajustable de 470kΩ a été placé, ainsi qu'un condensateur de 10nF (probablement pour faire filtre au signal d'effacement), et la tension de la zéner a été diminuée à 5,6V. Ainsi on amène à la cathode de la zener un signal déjà affaibli et filtré provenant du capteur, cela supprime probablement l'effet qui a été constaté dans cet appareil-ci.


Revox B77

On peut toujours faire un essai, ici une R de 2,2MΩ et un condensateur de 10nF en parallèle, montés entre le point de connexion R6 / D2 et la masse.

Montage d'essais, avec deux fils et des "grips" côté circuit imprimé, et les deux composants sur pinces crocos... Malgré un retour à la masse fait "n'importe où" sur le châssis, ce petit filtre diminue  bien le signal d'effacement en entrée de Q10.

Revox B77

L'ennui de travailler avec des grip-fil sur des pattes de composants... la proximité. Un contact fortuit est possible, et bien sur...

Patch ! Une simple "touchette" et un transistor (Q11) claqué, plus un second (Q10) mal en point... Plus de peur que de mal, les voila remplacés par d'authentiques Siemens datant de l'époque de l'appareil !

Revox B77

Tant qu'à avoir extrait la platine...

Installation côté soudures du filtre passe-bas rudimentaire, mais qui fonctionne. Après quelques essais, les deux composants ne sont finalement pas montés directement en parallèle mais câblés selon le schéma ci-dessous.

Revox B77

Les ajouts sont dessinés en rouge : la résistance de 2,2MΩ est montée directement entre émetteur du photo-transistor et la masse, tandis que le condensateur de 10nF est monté après la résistance de 4,7kΩ et la masse.

Les connexions de ces deux composants côté masse sont prises sur la soudure de la résistance R7.

Avec cet ajout, et installé ainsi (selon le schéma, connexions courtes et retour à la masse au point de connexion de R7), il n'y a plus la moindre trace de signal HF au point de connexion R6 / D2.

Revox B77

Et voila !

Il ne reste plus qu'à remettre les conducteurs du capteur "tape end" en place définitive et dans une belle gaine spiralée... Mais cette fois, éloignés des conducteurs de la tête d'effacement !

Test de longévité et sonorité : même avec une bande de qualité moyenne, le résultat enregistré est vraiment excellent, comme toujours avec ces magnifiques machines suisses !

Petites causes, grands effets ...  Ici rien de grave finalement, mais un souci qui aura eu le mérite de faire réfléchir ! Comme quoi, en électronique, il y a toujours une explication logique à des phénomènes bizarres ! Et ce qui est bien, c'est qu'il est possible de les mesurer et les mettre en évidence.
Précision : il a fallu plus de temps pour créer cette page que pour dépanner l'engin, prise de photos comprises...

On peut juste s'interroger dans le cas de cet appareil : pourquoi les conducteurs vers la tête d'effacement (et pareil vers la tête d'enregistrement) ne sont-ils pas blindés ? Pour éviter un effet capacitif entre le conducteur actif et le blindage ? Curieux !


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