Un ampli à lampes Raysonic SE-20


Décembre 2021, magnifique cadeau de l'ami Yves : un amplificateur Raysonic, type SE-20.

Voici un appareil bien plus récent que le reste de ma collection. Il s'agit d'un amplificateur à lampes, donc de technologie ancienne, mais de construction contemporaine.
C'est un appareil stéréo, de relativement faible puissance : 8W par canal. Là ou la conception est intéressante, c'est qu'elle est à priori très ancienne... En effet, c'est un appareil à triode de puissance, montée ici en "single-end", c'est à dire une seule lampe de sortie par canal. Et sans la moindre contre-réaction !
Les lampes de puissance sont ici des 300B, une triode conçue dans les années 30 par la société Western Electric. Bien sur, on ne trouve plus de 300B d'époque maintenant, mais cette lampe est encore construite par plusieurs fabricants, surtout asiatiques.

La société Raysonic a construit plusieurs modèles d'appareils à lampes dans les années 2000 et a disparu apparemment vers 2012.

Cet appareil est complet, avec ses lampes, mais connaît différents soucis, principalement de faux contacts. On va voir cela à l'autopsie... Car il mérite une remise en état, c'est un bel appareil... et de plus, j'ai très envie de découvrir le son des triodes de puissance !

Voici le manuel d'origine (anglais et français), les relevés de schémas sont disponibles plus bas sur cette page.

Clic sur les images pour agrandir.

Raysonic SE-20

Voici l'amplificateur, ici sans ses lampes.
Le boîtier est robuste, en aluminium et laiton pour les coins. La présentation est attrayante. Il manque un bouton sur la photo, mais il a été fourni avec l'engin. Ce bouton doit être réparé, la matière synthétique interne est cassée.
Cet appareil est lourd comme une enclume !

Raysonic SE-20

Vue de l'arrière.
Les borniers de connexion aux haut-parleurs semblent solides, fiches d'entrées plaquées or... Le truc qui surprend est l'absence de la mention CE, pourtant obligatoire sur le matériel vendu en Europe à partir de 1996. D'après le N° de série, il aurait été construit en 2006.

Raysonic SE-20

Vue de côté (gauche).
L'interrupteur de mise en marche se trouve ici. Les boîtes carrées au dessus du châssis contiennent les deux transformateurs de sortie, et la boîte ronde du centre contient le transfo d'alimentation.

Raysonic SE-20

Vue de l'autre côté.
Ici on trouve des petits trous permettant d'arriver aux organes de réglage de la polarisation (bias) des lampes de puissance 300B.

Raysonic SE-20

Vue du dessous.
La tôlerie est vraiment de qualité, les flancs de l'appareil sont en aluminium massif de 10mm. La tôle de fond est épaisse aussi, et comporte de nombreuses ouvertures permettant à l'air de circuler. Cela assure une bonne aération de l'ensemble.

Raysonic SE-20

Il est temps de l'ouvrir !
En dessous à gauche, une petite platine avec un filtre secteur. A droite une grande platine avec une partie des alimentations. Au milieu, une imposante self de filtrage DC. La partie du dessus, avec les supports de lampes, est une tôle épaisse montée à distance de la tôlerie extérieure : ici aussi cela assure une bonne ventilation.

Raysonic SE-20

A l'examen, le câblage ne m'a pas vraiment plu du côté des lampes.

Et en regardant de près, voici le genre de chose qu'on trouve : des connexions "en l'air" entre des composants. Autant dire que ceci peut bouger pendant le transport... Ou pire encore, des fils de composants peuvent ainsi casser puisque la connexion centrale n'est pas fixe.

Raysonic SE-20

Une autre connexion pas franchement terrible: le point  commun de la résistance de 47k et du condensateur de 10nF est également connecté à un fil souple, qui peut bouger et "tirer" sur cette connexion.
Et ici, c'est une connexion d'alimentation provenant de la platine d'alimentation !

Raysonic SE-20

En dessous de la seconde 300B, le même bazar avec la connexion triple entre le condensateur noir et les deux résistances. Ici si cette connexion bouge vraiment trop elle viendra toucher la broche de chauffage de la 300B! Et cette connexion triple est celle qui va à la grille de la triode...
Dommage de voir cela : l'appareil est de belle présentation, la partie mécanique est de qualité, la conception électronique est bonne, mais réllement le câblage interne en-dessous des lampes laisse à désirer.

Raysonic SE-20

Une fois la grosse self de filtrage démontée, on voit les conducteurs provenant du transformateur d'alimentation. Les fils rouge et noir vont à la platine de filtrage secteur. Les autres vont vers l'électronique (redresseurs ou lampes de redressement).

Tous ces conducteurs ont une isolation simple et peu épaisse, pourtant certains sont à un potentiel élevé.

Raysonic SE-20

Et sous la platine du filtre secteur, les fils provenant du transformateur de sortie canal gauche. Ici aussi, souci d'isolement possible : si un de ces conducteurs s'abîme au contact d'une soudure (car ils touchent ces soudures et donc les "pointes" des pattes de composants), ce sera le feu d'artifice de l'année !

Raysonic SE-20

Ce souci d'isolation possible me tracassant, décision d'isoler correctement le dessous de la platine du filtre secteur. Voici une plaquette en bakélite découpée (y compris un coin venant proche de la prise secteur). Des rondelles de bakélite sont collées sur cette plaquette : elles assureront la distance entre celle-ci et la platine du filtre.

Raysonic SE-20

Et voila cette isolation supplémentaire installée sous la platine du filtre secteur.
Il a fallu bien sur utiliser des vis un peu plus longues que celles d'origine, mais la visserie est standard (ici M3) dans cet appareil.

Raysonic SE-20

Les conducteurs "secteur" du transformateur d'alimentation étaient isolés par un isolant simple (pas de double isolation) et passant sous la self de filtrage, ils ont été gainés pour assurer un meilleur isolement.
Pareil pour les fils du primaire du transfo de sortie.
Ces fils sont visibles ci-contre, gainés en blanc.

Raysonic SE-20

Voici la platine d'alimentation démontée pour relevé du schéma. Deux choses sautent aux yeux : les supports de fusibles médiocres, et les grosses résistances installées sur cette platine.
Comme cette platine est montée à l'envers dans le coffret (composants vers le bas), ces résistances vont chauffer et le circuit, et surtout les condensateurs à proximité...

Raysonic SE-20

Le relevé de schéma de l'alimentation. Il ne s'agit pas du schéma d'origine, mais bien d'un «reverse engineering» !!

Attention, les numéros de composants sur ce relevé ne sont pas nécessairement ceux repris sur la platine ! Comme ils sont imprimés sous les composants, il n'a pas été possible de les lire.

Le secteur arrive sur une petite platine (voir photos ci-dessus) de filtrage secteur. Deux condensateurs et une double self assurent un filtrage efficace. La primaire du transformateur d'alimentation est alimenté juste après cette platine.

Le transformateur possède de multiples secondaires pour la haute tension, les alimentations des filaments (5 circuits en tout) et la tension de polarisation.
La haute tension est redressée par deux lampes 5Z4 montées en parallèle (avec des alimentations séparées pour leurs filaments). Ce sont des lampes à chauffage indirect et donc elles vont chauffer lentement. Ainsi la haute tension arrivera aux anodes des autres lampes (surtout les 300B) quand celles-ci seront déjà chaudes.

La haute tension est filtrée par 2 condensateurs de 470µF en série, puis par une self de 4,5H, puis à nouveau par 2 condensateurs 470µF en série. Chaque condensateur 470µF est muni d'une résistance de 150kΩ en parallèle, pour équilibrer les tensions aux bornes des condensateurs. C'est un montage classique quand des condensateurs sont montés en série dans des alimentations. Un avantage de ces résistances est qu'elles déchargent les condensateurs lorsque l'appareil est coupé.

En tête de filtre on trouve donc 235µF (deux capas de 470µ en série) sur les deux 5Z4. La résistance de chaque demi enroulement secondaire est de 20Ω, soit 40Ω d'anode à anode. Si on regarde la datasheet de cette lampe (RCA), il est préconisé (pour un filtre à condensateur de tête) un R min anode à anode de 50Ω, mais ici il y a deux lampes en parallèle. N'empêche que 235µF de condensateur de tête, c'est une fameuse valeur... 

Cette haute tension directe (+V1 sur le schéma) est appliquée aux anodes des 300B via les transformateurs de sortie.

Une cellule de filtrage supplémentaire, prise sur +V1, avec la résistance de 2,6k et le condensateur de 100µF est utilisée pour l'alimentation de l'étage SRPP précédant les 300B (voir schéma de l'amplification ci-dessous) : c'est +V2 sur le schéma.

Et  enfin, deux dernières cellules de filtrage (une par canal), reprises sur +V2, avec les résistances de 39k (en série avec 2k) + les condensateurs de 47µF alimentent les étages d'entrée de l'ampli : c'est +V3 sur le schéma.

Les alimentations des filaments des lampes audio sont réparties sur 3 circuits différents comportant chacun un redresseur (bloc carré de 5A), suivi d'une cellule de filtrage en π constituée d'un premier condensateur de 10mF (10.000µF), puis une résistance de 0.47Ω puis un second condensateur de 10mF. Les redresseurs sont montés hors circuit imprimé, sur le bâti en aluminium, car ils chauffent !
Le circuit avec le redresseur B1 sert aux 4 lampes de préamplification et étage de pilotage des 300B. Ce circuit filament est porté à un potentiel positif assez élevé par rapport à la masse (voir mesures plus bas dans cette page), ceci pour éviter une trop grande différence de tension entre le filament des 6SN7 du SRPP et la cathode de la lampe "du dessus". Cette polarisation est assurée par les résistances de 330k et 150k, formant diviseur de tension, le 100µF apporte un bon filtrage de cette polarisation. Cette tension de polarisation est répartie de façon équilibrée sur la tension de filament par les deux résistances de 120Ω.
Les deux autres circuits (B2 et B3) servent pour chacune des 300B, qui sont des lampes à chauffage direct et donc nécessitent un circuit d'alimentation distinct pour leur filament.
Les 3 circuits de chauffage filaments sont indépendants, et ne doivent pas être reliés entre eux, ni à la masse !

Le dernier circuit d'alimentation sert à la tension négative de polarisation des grilles des 300B. La consommation sur ce circuit est très très faible et le filtrage est simplement assuré par une cellule en π avec deux condensateurs de 100µF et une résistance de 6,8kΩ.


Raysonic SE-20

Après relevé de schéma, la platine alimentation est modifiée : les 4 résistances de puissance seront installées ailleurs dans le coffret, ou leur chaleur sera mieux dissipée. Ensuite, trois supports de fusibles sont enlevés, ils seront remontés ailleurs dans le coffret également (voir plus bas pour plus d'explications). Les deux restants sur la platine (tension de polarisation et haute tension anodes) sont remplacés par des modèles pouvant recevoir un cache protecteur.

Raysonic SE-20

Ici aussi, sous cette platine passent les conducteurs provenant du transformateur canal droit. Cela ne me rassurant pas plus que de l'autre côté (sous le filtre secteur), découpe d'une plaque de bakélite pour placer en dessous de cette platine. Sur la photo ci-contre, prise de dimension avant la découpe.

Raysonic SE-20

La plaque d'isolation est en place, photo juste avant le remontage de la platine d'alimentation. Sur la photo ci-contre, la self de filtrage est déjà remise en place.

Raysonic SE-20

Voici un support de fusibles additionnel qui sera ajouté dans l'appareil.

Voir plus bas pour plus d'explications concernant la modification de l'alimentation...

Raysonic SE-20

La platine d'alimentation est remise en place, et la tôle supportant les lampes est enlevée.

Lors du démontage, relevé du schéma de la partie amplification.

Raysonic SE-20

Le schéma de l'amplificateur. Ici aussi, il ne s'agit pas du schéma d'origine, mais bien d'un «reverse engineering» !!

Les numéros de composants sur ce relevé sont arbitraires, car les composants dans la partie audio ne sont pas numérotés dans l'appareil.

Les signaux audio arrivent directement sur le sélecteur d'entrées, via des câbles faradisés. De ce sélecteur, les signaux sont appliqués sur le potentiomètre de volume.

Le signal après réglage de volume arrive directement (via une résistance de 100Ω) sur les grilles de la première lampe L1, une 6SJ7. Les deux triodes de cette lampe sont montées en parallèle. La résistance de cathode (1,5k) et celle d'anode (47k) sont donc communes aux deux triodes de cette lampe. L'alimentation provient de +V3 et chaque canal possède sa propre cellule de découplage (voir schéma de l'alimentation ci-dessus).

Le signal amplifié par L1 est pris au niveau des anodes, et transmis à la grille de la première triode de L2 (6SN7) via un condensateur de 100nF et une résistance de 100Ω. Les deux triodes de cette lampe sont montées en série, montage dit "SRPP", assurant un grand gain en tension. L"anode de la triode "du dessus" est connectée directement à +V2. Un condensateur de découplage de 220nF est monté à proximité de la connexion d'anode de chaque lampe (un découplage par canal).

Le signal audio, fortement amplifié, est repris sur la cathode de la seconde triode, et envoyé vers la lampe de puissance L3 (300B) par un condensateur de 330nF et une résistance de 910Ω.

La grille de L3 est polarisée fortement négativement via la résistance de 150k, connectée au potentiomètre de réglage (voir schéma de la partie alimentation). La connexion vers la masse du filament de L3 (filament qui sert de cathode puisque la 300B est à chauffage direct) est faite par un potentiomètre d'équilibrage et une résistance de 10Ω. Cette résistance est utile pour mesurer la polarisation de la lampe : elle sert  ainsi de shunt de mesure, si on y mesure 0.6V cela signifie qu'il y a un courant de cathode de 60mA. A cet effet la tension mesurée est rapportée sur la platine comportant le potentiomètre de réglage, ainsi on peut connecter un voltmètre DC entre la masse et ce point de test pour effectuer le réglage sans ouvrir l'appareil. Un petit trou à coté de celui du potentiomètre (sur le côté de l'appareil, voir photo ci-dessus) permet d'introduire une sonde de mesure.

Les anodes des 300B sont connectées directement au primaire du transformateur de sortie, celui-ci alimenté par la tension +V1. Les transformateurs de sortie comportent deux enroulements secondaires, pour pouvoir connecter un haut-parleur de 4 ou 8Ω. Le point "zéro" du secondaire est connecté à la masse de l'appareil.

Cet amplificateur ne comporte pas de boucle de contre-réaction classique partant de la connexion haut-parleur et remontant vers la préamplification.


Raysonic SE-20

Voici la tôle supportant les sockets des lampes et les redresseurs des circuits filaments (ici démontés). Il ne reste ici que le câblage des alimentations filaments et les liaisons entre les anodes des deux lampes de redressement (à l'avant plan).

Raysonic SE-20

Les supports des lampes octal (les deux redresseuses 5Z4 et les 4 lampes de la préamplification) ne sont pas de très bonne qualité. Le contact avec les broches des lampes se fait juste par deux "pointes". Et les lames faisant ressort sur ces pointes se détendent avec le temps, créant des faux contacts.

Raysonic SE-20

Et malheureusement les sockets UX-4 des lampes 300B ne sont guère mieux. Les contact avec les broches est assuré par des lames ressort, et on peut voir ici que sur les deux broches de droite ces lames ont tout siplement disparu. Apparemment elles cassent !
Le second socket est dans le même état.

Décision : remplacement de tous les sockets (aussi bien les octal que les UX-4) de cet appareil !

Il aura fallu plusieurs mois entre la commande des sockets (janvier 2022) et leur livraison complète (fin juin 2022).
Le remontage s'est fait au fur et à mesure, hélas sans photos d'étapes car ce travail fut entrecoupé par d'autres évènements.

Il a été fait usage de barrettes à cosses relais côté basse fréquence, pour remplacer les connexions «volantes» d'origine. Il a fallu percer quelques trous + taraudage M3 pour les fixer à la tôle support (heureusement épaisse assez).
Certains conducteurs ont été gainés, pour augmenter l'isolation par rapport au châssis ou d'autres conducteurs.

Le câblage autour des lampes de préamplification est refait au plus court vers la connexion centrale de masse, dans l'esprit du câblage d'origine. Ceci explique la position des composants biscornue à première vue !


Raysonic SE-20

Voici l'appareil avec les sockets remplacés, et recâblé.

Les fusibles filaments et haute tension sont en place, sous la plaquette en bakélite.


Comme expliqué plus haut, l'alimentation a subi quelques modifications.

En effet, les fusibles F5, F21 et F31 se trouvaient câblés après les redresseurs, et positionnés sur le circuit imprimé. Mais si les choses tournent mal pour une raison quelconque, ces redresseurs peuvent claquer et certaines de leurs diodes se mettre en court-circuit. Ceci mettra en danger le transformateur d'alimentation puisque ces secondaires débiteront alors sur un quasi court-circuit.
Oui, mais... Il y a bien un fusible au primaire du transfo, non ?
Bien sur, il y en a un. Mais avec ces transfos à secondaires multiples, la puissance totale (sur laquelle le dimensionnement du fusible primaire est calculé) est donc répartie sur plusieurs enroulements. Il n'est dès lors pas certain du tout qu'un court-circuit sur un seul de ces enroulements fera claquer le fusible primaire !
Autant protéger au mieux ce transfo : en cas de pépin, c'est un modèle introuvable par sa spécificité, et en faire rebobiner un sera très compliqué - sans parler du coût.

Dans la même logique, deux fusibles ont été ajoutés sur les sorties "haute tension" de ce transfo (F5 et F6 sur le schéma), avant d'aller aux anodes des redresseuses. Il est assez rare que les anodes d'une lampe de redressement se mettent en court-circuit entre elles, mais un défaut d'isolation peut arriver, la tension entre ces deux conducteurs est très élevée.

Tous ces fusibles se trouvent sur la plaquette ajoutée.

Enfin, les grosses résistances de puissance R5, R11, R14 et R15 qui étaient présentes sur la platine d'alimentation ont été montées à distance, pour éviter de chauffer les condensateurs, dont elles étaient proches.


Raysonic SE-20

Voici le schéma modifié de l'alimentation, avec le déplacement des fusibles "filaments" F5, F21 et F31, ainsi que l'ajout des fusibles "haute tension" F5 et F6.


Côté audio, une modification m'a semblé également importante à réaliser.

Le couplage entre les entrées audio de l'appareil et les grilles des lampes d'entrée 6SJ7 se faisait sans condensateur, comme illustré ci-dessous (voir aussi le relevé de schéma ci-dessus).

Donc, les grilles de ces lampes étaient reliées directement au potentiomètre de volume, lui-même en couplage direct sur l'entrée sélectionnée par le commutateur.

Intéressant, car un condensateur de couplage est évité. Mais...

Cette configuation peut poser problème. En effet, si une source connectée a un souci sur sa sortie basse fréquence, et qu'une tension continue s'y trouve, cette tension va arriver sur les grilles des lampes. Cette tension continue va changer totalement la polarisation de ces deux triodes !


Raysonic SE-20

De plus c'est le potentiomètre qui fait office de résistance de fuite pour les grilles de ces lampes. Si celui-ci a le moindre faux contact au curseur, les grilles des lampes se retrouvent alors "en l'air" ce qui n'est pas bon non plus pour leur santé !

Raysonic SE-20

Pour éviter tout risque découlant de ce genre de problèmes, ajout d'un condensateur de liaison et d'une résistance de fuite fixe pour les grilles. Avec 1µF et 470k, cela fonctionne sans altérer le son de l'appareil.
Précision : toutes les mesures et tests d'écoute présentées ci-dessous ont été faites avec cette modification déjà réalisée.

Clic sur l'image ci-contre pour afficher le schéma complet avec cette modification.


Après tout cela, il est maintenant grand temps de le remettre en service.

C'est un appareil à lampes, donc toutes les précautions d'usage s'imposent. Les tensions d'alimentation dans cet appareil sont mortelles, et il ne faut en aucun cas travailler dans ce genre d'engin sans être conscient de ce que l'on fait !
Et, bien sur, prendre toutes les précautions d'usage. Appareillage de mesure en parfait état, mise à la terre du chassis, tests progressifs, ne pas le laisser allumé sans surveillance...

La première remise sous tension se fait dans une première phase sans placer les deux redresseuses, pour tester toutes les autres tensions (filaments et polarisations).


Raysonic SE-20

Comme cet appareil n'a plus été alimenté depuis longtemps, et que le câblage soit être testé, mise sous tension progresssive avec le Variac d'atelier. Mesures des différentes tensions (sauf la haute tension puisque les redresseuses sont absentes) à chaque étape, tout semble bien ok !

Lors de ce test, il faut surveiller le courant consommé par l'appareil et couper rapidement s'il augmente de façon anormale.

Raysonic SE-20

Etape suivante : test avec les deux redresseuses en place. Ayant déjà assisté à des explosions de condensateurs, je préfère refermer l'appareil pour sa première remise en service côté haute tension... Ici aussi, usage du Variac et montée progressive de la tension d'alimentation : tout se passe bien, la tension redressée monte gentiment. Même si les filaments des redresseuses sont sous-alimentés, celles-ci fonctionnent tout de même, d'autant plus à vide comme ici. La haute tension est bien sur trop élevée quand l'appareil est alimenté en 230V, puisqu'il n'y a pas de consommation par les autres lampes, qui ne sont pas encore en place.

Raysonic SE-20

Tout semblant être ok avec les alimentations, réglage des tensions sur les grilles des 300B pour être le plus négatif possible (donc courant d'anode le plus faible possible). Remise en place des lampes et vérifications des tensions, sans signal.


Quelques mesures de tensions continues dans l'appareil :

Conditions de mesure (important) :

  • Tension secteur = 230V AC.
  • Mesures faites après 5 minutes de mise sous tension.
  • Pas de signal audio en entrée et potentiomètre de volume à zéro.
  • Sorties connectées sur résistances de 4Ω non inductives.

Valeurs mesurées. Attention : toutes ne sont pas par rapport à la masse, bien lire le texte !

  • Tensions aux filaments des 300B (V3) : 4,95V
  • Tension aux filaments des lampes de préampli (V1, V2) : 6,20V
  • Tension entre filaments préampli (V1, V2) et masse : +120V (revoir les explications ci-dessus pour comprendre la raison de cette polarisation)
  • +V1 (par rapport à la masse) : +428V
  • +V2 (par rapport à la masse) : +403V
  • +V3 (par rapport à la masse) : +330V (identiques sur les deux canaux)
  • Tensions d'anodes des 300B (par rapport à la masse) : +415V
  • Tensions des grilles des 300B (par rapport à la masse) : -92V ... ceci dépendant du réglage de polarisation et donc de l'état des 300B !
  • Tensions aux anodes de V1 (par rapport à la masse) : +230V


Raysonic SE-20

Il est temps de mettre du signal en entrée et de voir ce que cela donne au scope, avant écoute.

  • Fréquence 1kHz.
  • Polarisation de la 300B au max de tension négative sur sa grille.
  • Trace du dessus, signal à la grille d'une 300B (sonde 10:1 et 5V/div)
  • Trace du dessous, signal de sortie sur résistance de 4Ω non inductive. (sonde 1:1 et 5V/div)

Raysonic SE-20

Même conditions de mesure, mais en augmentant encore le signal d'entrée.

La sinusoïde s'aplatit un peu (au dessus du signal), les harmoniques paires apparaissent (c'est typique des triodes). Le signal provenant du préampli à la grille de la 300B est toujours impeccable.
On le voit ici, il faut un signal de grille très important pour "sortir du jus" des triodes ! Presque 100V pointe à pointe...

Raysonic SE-20

Après réglage de la polarisation de la 300B (60mA donc 0.6V sur la résistance de mesure).

Cela s'améliore... Sur un canal du moins, car sur l'autre la bonne polarisation de la 300B est difficile à atteindre, elle est "pompée" et un léger halo bleuté est visible dedans (aussi visible sur la photo en bas de page). Ci-contre, c'est la mesure avec la meilleure des deux.

Raysonic SE-20

Après toutes ces séances de torture et de mesures, il est temps de remettre le couvercle inférieur, puis remettre l'ampli "sur ses pattes". Des morceaux de bois l'ont tenu stable (pour éviter le basculement et le bris de lampes) pendant tout le temps des essais, en fonctionnement "tête en bas".


Et à l'écoute, alors, cela donne quoi ?

D'abord, sans signal d'entrée (potentiomètre de volume à zéro) : on peut se demander s'il est allumé !
Pas le mondre souffle, pas le moindre bruit de fond ! Excellent !

Une dernière mesure au générateur de signal + scope avant de l'écouter, pour juger de la bande passante. Il y a une légère atténuation à partir de 14-15kHz mais rien de grave : à 20kHz on perd environ 10% du niveau de sortie présent à 10kHz (les photos du scope lors de ce test sont trop claires et la trace n'est pas visible, hélas). Exprimé en dB, cela ne fait pas grand chose...

Et à l'écoute de la musique, maintenant ?

Quelques précisions :

  • Pour le test, j'utilise des CD audio originaux, assez anciens et bien enregistrés, avec un Toshiba XR-30 comme lecteur.
  • Donc pas de formats audio compressés (fichiers MP3, streaming audio, etc...) pour les tests.
  • Je n'ai pas le vocabulaire audiophile (auquel je ne comprends d'ailleurs quasi rien) pour décrire les sensations d'écoute. 
  • Donc je vais essayer de décrire mon ressenti avec mes mots...
  • C'est forcément subjectif, d'autant plus que mon ouïe est plus orientée "sono" que "mélomane".
  • Cette écoute a été faite avec les 300B "Golden Dragon" usagées reçues avec l'appareil.

Malgré sa puissance modeste, cet appareil ne manque pas de "punch", il est parfaitement capable de "remuer" mes enceintes d'atelier ! Bien sur, cet engin ne sonorisera pas un festival... Mais il "rend" bien les écarts de dynamique.

Il n'est donc pas "mou" comme je l'avais craint, mais alors pas du tout !

Les basses sont percutantes sans être traînantes. Une très légère atténuation des aigües, mais tout à fait acceptable.

Ensuite, la sonorité en général. Vraiment agréable, très douce, mais avec les détails sonores bien restitués. Le rendu est bien moins "criard" que l'ampli à transistors de l'atelier (datant du début des années 90)...

Très, TRES, agréable à écouter... Et cela malgré des 300B en fin de vie !


Raysonic SE-20

Restait un souci cosmétique : le bouton du potentiomètre de volume cassé. En fait c'est la partie interne, en plastique, qui s'est brisée (à droite, tout le plastique interne a été vidé).

A gauche, un bouton de récupération qui contient exactement la pièce cannelée qui convient pour l'axe du potentiomètre.

Raysonic SE-20

Percement d'un trou dans le bouton de récupération : ceci va permettre de passer un chasse-goupilles et récupérer ainsi la pièce en plastique interne.

Raysonic SE-20

La pièce plastique est récupérée (au centre) : elle va être recoupée pour entrer dans le bouton d'origine.

Raysonic SE-20

Voila. Après repérage pour centrage, remplissage du bouton d'origine avec du silicone colle Recta-Fix® (marque Rubson).

Raysonic SE-20

Pour éviter d'avoir du silicone à l'intérieur de la pièce plastique insérée, collage sur celle-ci d'un "fond" découpé dans un bout de plastique fin (pas de photo).

Insertion de la pièce dans le bouton, du silicone colle en sort : essuyage du surplus. On a le temps de centrer la pièce, cette colle ne prend pas directement.

Raysonic SE-20

Et voila, le bouton est remis en place !

Il ne manque plus rien, l'appareil est maintenant totalement remonté et remis en état.

Raysonic SE-20

Les lampes ont des filaments bien lumineux. On voit bien le halo bleu dans la 300B de gauche.

Photo prise dans le noir total, et bien sur sans flash : elle est un peu "granuleuse"...


Un verdict final ?

Excepté les quelques soucis de réalisation d'origine, cet ampli a été fort bien conçu.

L'aspect est à la mode des amplis à lampes actuels, mais relativement sobre, évitant les éclairages LED extravagants et autres "décorations" de goût douteux autour des tubes.

A l'écoute, un excellent mix de douceur et de dynamique : c'est assez curieux mais franchement agréable ! Malgré des lampes de sortie plus vraiment au top, cet appareil est vraiment très bon. Et même : addictif !

Techniquement parlant (et avec ma vision des choses), l'emplacement des fusibles de protection secondaires et le couplage direct des lampes d'entrée au potentiomètre de volume (décrits ci-dessus) étaient à adapter.
Ceci ne change rien à la sonorité de l'appareil, c'est juste une petite sécurisation supplémentaire.

C'est mon premier ampli à triodes de puissance, et maintenant je comprends bien mieux l'engouement pour ces appareils.

Il restera à investir dans une bonne paire de 300B pour remplacer ces "Golden Dragon" d'origine !



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