Un petit combiné radio et tourne disque de la marque
Emud, type Phono Rekord.
Vers 1955, d'après les dates sur certains composants.
Pas de schéma exact de ce modèle disponibles sur le net,
on fera sans ! Toutefois, à l'examen, c'est un hybride entre le
type Rekord 200W de 1953 (lampes rimlock) et le type 225W de 1956 à
lampes noval. Ici c'est une combinaison de lampes noval (ECC85, EM80,
ECH81, EF89, EABC80) et rimlock (EL41 et AZ41).
Ce poste fonctionne encore "tel quel" mais n'a plus de
réception FM du tout, une réception AM très mauvaise et de la
distorsion... La
totale !
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Eh bien, puisque plusieurs problèmes à solutionner,
extraction du châssis hors de l'ébénisterie, et montage
de celui-ci sur le support d'atelier pour y travailler !
Ce poste a un petit châssis, assez léger... Le support
d'atelier en a vu d'autres !
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Pas mal de poussière, et le seul "dépannage" visible est
le fusible secteur ponté
avec un bout de fil. Le reste semble d'origine et ne semble pas avoir
été "tripoté"...
Tant qu'à faire, il
est préférable de ne pas tomber sur
des bricolages plus ou moins anciens lors des dépannages. La poussière
et l'état
d'origine sont largement préférables à une "intervention" préalable
réalisée par
"quelqu'un qui s'y connaît" !
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Comme d'habitude dans les appareils
allemands des années 50, des condensateurs "papier" sont utilisés. Pas
mal de ces condensateurs de liaison sont "limites"point de vue
isolation, ce
sont des composants de marque "Biwisi" ou "Funkton".
Le double
électrolytique de 2X 50µF ne chauffe pas, mais ne vaut plus rien : 4µF
pour un et 11µF pour l'autre...
Après remplacement des deux électrolytiques de filtrage et des
condensateurs de liaison et découplages critiques, le son s'améliore.
Mais ce n'est pas encore cela... Et toujours pas de FM.
Les "habituels" remèdes ne suffisent pas, il faut voir plus loin :
du test et de la
mesure s'imposent !
Puisque la FM est totalement muette, et que
c'est pas toujours évident à réparer, le dépannage commence par la !
Premier test, usage du générateur
HF pour injection d'un signal à 10,7MHz sur la ECH81, poste en
mode FM et liaison de sortie de la tête FM vers la ECH81 déconnectée.
Avec ce test, un
signal après la détection est présent. Et si le signal injecté est
modulé, la modulation est audible. Donc on peut exclure une panne dans
la moyenne fréquence ou la détection FM...
Pas de photos prises pendant
cette étape de recherche et d'essais : oublié dans le "feu de l'action"
!
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Etape suivante, ouverture du blindage du bloc FM et une
découverte !
Curieux : ce condensateur disque céramique de 2,2nF est
comme
"pourri" ! C'est ici le découplage filament de la ECC85.
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Il y avait deux condensateurs disques dans le même état.
Le second, plus petit (1,5nF), était le découplage de la résistance de
cathode
d'une triode de la ECC85.
Un des deux est venu en morceaux lors du démontage.
L'autre est resté entier, mais il ne vaut plus rien du tout au
capacimètre ! 0pF au lieu de 2,2nF!
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Le condensateur de cathode était côté "lampe" du bloc
FM. Le voici remplacé par un petit disque céramique de
1,5nF.
Après le remplacement de ces deux condensateurs, du son
revient en FM mais pas très bon et
totalement décalé : on entend même une station émettant sur 103MHz
alors que ce poste ne va que jusque 99 !
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Le
remplacement de la ECC85 améliore la réception mais ne solutionne pas
le décalage de bande. Sans doute un autre composant défectueux...
En touchant le condensateur vert (photo ci-contre) avec
le probe de l'oscilloscope , tout
change côté réception ! Ah ?
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Manifestement défectueux ce 30pF : son remplacement par
un petit disque de 27pF améliore la situtation. Il est en série avec
une des cages du condensateur variable, côté "oscillateur".
Les stations ne sont toujours pas "en place" par rapport
au
cadran mais c'est déjà mieux !
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Heureusement il y a aussi un autre condensateur
ajustable, pris en parallèle sur le couple condensateur remplacé +
condensateur variable.
Un réglage de cet ajustable (par étapes successives
puisque approcher l'outil dérègle un peu), et on retrouve les stations
au bon endroit !
Il faut laisser une bonne ECC85, celle d'origine est
"pompée" et produit pas mal de distorsion, pour une sensibilité de
réception très faible.
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Bien sur, le réglage de la tête FM se fait avec le
blindage en place ! A droite sur la photo...
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Il restait un petit souci
de distorsion, au niveau de la EF89. La résistance de la grille 2 (50k)
de cette lampe avait chauffé et augmenté de valeur. Ici aussi le
condensateur de
découplage était "limite" point de vue isolation. C'était un
céramique tubulaire, genre de composants pourtant peu enclins
à de telles pannes. La tension sur cette grille était ainsi trop
faible, donc l'amplification de cette lampe aussi !
Le remplacement de la résistance de grille par une
47k/1W
(et bien sur aussi du condensateur de découplage de 5nF) solutionne le
souci,
et aussi celui de la réception en AM ! Nous voila avec de la FM et de
l'AM. Mais ...
C'est pas fini, car il reste un souci de distorsion
en basse fréquence. Les tests précédents ont été faits avec la BF
d'origine, puis avec la sortie de la détection sur un ampli externe
pour s'assurer de la qualité audio. Sur un ampli externe, le son est
correct, donc un problème est présent dans l'amplification basse
fréquence de ce poste.
Les différents composants remplacés autour de la EF89,
ainsi que dans la basse fréquence et l'alimentation sont visibles sur
la photo ci-dessus.
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Voici le relevé du schéma de la partie BF de cette
radio.
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La partie triode de la EABC80 est utilisée en
pré-amplification
BF. Le signal provenant de la détection AM ou la détection FM ou encore
le pick-up (selon la sélection de source au clavier) est appliqué au
potentiomètre de volume. Côté triode, la cathode est à la masse et la
polarisation se fait par une résistance de forte valeur
(10MΩ) entre grille et masse. La grille est ainsi polarisée
négativement
(environ -0.7V, mesure faussée par l'impédance d'entrée du multimètre).
Le signal amplifié par cette triode est récupéré sur
l'anode et appliqué
à la grille de la EL41 par un condensateur de 22nF. La EL41 est
polarisée par une résistance de cathode découplée par un condensateur
électrolytique de 47µF. Son anode est connectée au transformateur de
sortie. Le primaire de ce transformateur comprend aussi un enroulement
servant de self de filtrage pour la haute-tension.
Un enroulement spécifique de contre-réaction renvoie une
partie du signal sur deux points : une au pied du potentiomètre de
volume (contre réaction) et l'autre sur le potentiomètre de tonalité.
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C'est audible, la basse fréquence distorsionne même
en
position pick-up, que ce soit avec le tourne-disque d'origine ou avec
une source
extérieure.
Voyons cela au scope : ci-contre, voici le signal de
1kHz à la
grille de la EL41 (1V/div). Convenable, la partie triode de la EABC80
amplifie
bien et ne produit pas de distorsion (essayé à d'autres fréquences et
niveaux
aussi).
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Par contre, en sortie de la EL41, ouch ! Ici le même
signal que ci-dessus (1kHz sinus, toujours 1V/div, même centrage de la
trace du scope), mais mesuré sur le
haut-parleur. Les
parties négatives du signal sont rabotées. Cet étage de sortie provoque
de la distorsion, assurément !
Mauvaise polarisation de la lampe, souci dans la
contre-réaction ... ? Ou autre ?
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Et encore une autre curiosité ! Potentiomètre de volume
à zéro il se produit une oscillation à 33kHz (autre gamme de balayage
de l'oscilloscope pour cette photo mais toujours 1V/div), avec une
forme de signal assez
curieuse !
En déconnectant la contre-réaction, ce phénomène
disparaît. Mais hélas, pas la distorsion, qui est toujours présente (oscillogramme identique à celui ci-dessus)...
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Les mesures lisibles sur le schéma ont été faites avec
l'appareil alimenté sur
le réseau 230V
actuel (qui est plutôt à 235V ici). Le transfo d'alimentation n'a pas
de position 240V et donc les tensions continues sont trop
élevées (voir plus bas
sur cette page à ce propos).
En alimentant
le poste avec le variac d'atelier (220V AC appliqués au transfo),
alors les
tensions
sont plus conformes à
ce qu'on doit avoir sur une EL41 : la HT au premier condensateur de
50µF vaut alors 255V.
Ainsi, les polarisations de la EL41 sont ok sur une
nouvelle
lampe montée à la
place de l'ancienne (qui est sacrément "pompée"), mais le souci
est
toujours la... Même avec une EL41 neuve et bien polarisée, la
distorsion subsiste !
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Reste un dernier suspect : le transfo de sortie. Si il a
un souci interne (spires en court-circuit...) il peut bien sur
provoquer des phénomènes similaires. Ci-contre, connexion "volante"
d'un transfo
de récupération d'un poste Philips (et prévu pour une EL41) et
contre-réaction déconnectée.
Bingo ! Plus de distorsion !
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Eh bien ? Il a pourtant encore une bonne apparence, ce
transfo
d'origine. Aucune odeur de brûlé, rien...
A l'ohmmètre, la résistance de l'enroulement primaire
est relativement faible, comparée à celle du transfo de remplacement.
Mais d'une construction à l'autre...
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Mais un essai avec le transfo de réemploi, puis remise
en place de celui-ci, confirme le problème. Ce transformateur a un
"souci". Il est d'ailleurs probable que le problème constaté aussi avec
la contre-réaction (volume à zéro) provienne de ce transformateur...
Que s'est il
passé ?
Le condensateur de liaison d'origine (22nF) entre l'anode le la EABC80
et la
grille de la EL41
était défectueux. Pas totalement en court-circuit mais "fuitait". Ce
fut vérifié au testeur
d'isolation : il "laisse passer". La EL41 d'origine aura travaillé
dans de
mauvaises conditions à cause de cela (tension positive à sa grille),
avec de ce fait un courant d'anode trop élevé,
provoquant des dégâts dans ce transfo.
Ce n'est qu'une hypothèse, bien
sur. Mais la EL41 d'origine du poste est "cuite" assez sévèrement.
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Bon, ben puisque cela marche avec le transfo de
réemploi, installons le...
Evidemment il n'a pas du tout la même dimension que
celui d'origine,
donc on commence par l'adaptation mécanique... Vaut mieux ôter les
lampes qui sont à proximité pour faire cela, afin d'éviter de la
casse...
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Les connexions côté primaire se font par le dessus sur
ce transfo-ci. Comme elles sont soumises à la tension élevée, autant
les monter du côté opposé à l'arrière de l'appareil, qu'elles soient
écartées du panneau de fond.
Les nouveaux fils de connexion peuvent être fins, il n'y
passe que quelques dizaines de mA. Mais gare à l'isolation, car la
tension est élevée ! Ici ils
sont glissés dans une gaine en matière plastique, pour doubler
l'isolement.
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Les trois connexions côté primaire : arrivée de la AZ41
(milieu),
départ HT (droite) et anode de la EL41 (gauche). Les gaines isolantes
reviennent sur les
soudures, pour les empêcher de glisser sur les conducteurs par la
suite.
L'ancien condensateur de filtrage (cylindre alu visible
sur les photos) ne sert plus, mais il
est laissé en place.
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Les connexions côté secondaire du tranfo de sortie. Le
conducteur brun est la masse, le rouge va au haut-parleur. Le fil vert
(avec la résistance) va au potentiomètre de volume (à la résistance de
300Ω côté minimum du potentiomètre) : c'est la contre-réaction.
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Cette contre-réaction fut déterminée par essais :
trouver
le bon point de connexion au transfo, et le bon "sens" de connexion,
sinon cela
oscille !
Pareil pour déterminer la bonne valeur de la résistance,
par essais... Une trop forte contre-réaction réduit fortement le gain,
alors qu'une contre-réaction faible n'a pas d'effet audible.
Avec cette valeur, le
son
est "éclairci" sans être trop atténué. En plaçant un condensateur en
parallèle, ou à la place de la résistance, cela assourdit le son...
Expériences amusantes...
Par contre, la contre-réaction qui était d'origine
appliquée au contrôleur de tonalité n'a pas pu être reconnectée.
Renvoyer ce signal sur le
contrôle de tonalité créait des accrochages, dès lors le circuit a du
être adapté à la nouvelle situation ! Le transfo d'origine
avait un enroulement séparé pour la contre réaction, celui-ci utilise
un enroulement commun avec le haut parleur : les couplages ne sont plus
les mêmes... Avec cette adaptation, le contrôleur de tonalité
fonctionne pour atténuer les aigües
mais n'a plus d'effet amplificateur sur les basses. De toutes façons,
le petit haut-parleur présent dans le poste n'est pas à même d'en faire
une bonne restitution...
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Bien ! Maintenant que les circuits de réception et
d'amplification fonctionnent,
passons à l'alimentation.
Cet appareil n'a hélas pas de position 240V sur son
transformateur secteur, uniquement 220V. C'était bien sur bon à
l'époque, mais depuis les années 80 (du moins ici en Belgique), le
secteur est passé à 230V et est même bien souvent un peu plus élevé. Ce
transfo est bien conçu et ne chauffe pas, mais hélas les tensions au
secondaire sont trop élevées !
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Le poste connecté directement sur le secteur de la
maison, voici la tension DC au premier condensateur (sortie de la
AZ41). On devrait avoir 250-255V maximum.
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Et voila avec l'alimentation par le variac, avec 225V AC
appliqué au primaire.
Il faudrait donc chuter la haute tension. Soit une
résistance au primaire du transfo (ce qui fera chuter la tension des
filaments aussi) soit ajouter une résistance entre la sortie de
la AZ41 et le premier condensateur. C'est ce qui fut fait avec une
330Ω / 5W. Cette résistance chute 20V, ce qui correspond à un
courant de 60mA, normal pour ce poste (d'après les schémas des deux
modèles approchants). La dissipation de cette résistance est d'environ
1,2W, la 5W placée convient bien.
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Quand même finalement pas mal de composants
remplacés....
3 lampes (EL41, ECC85 et l'oeil EM80) ainsi que quelques
condensateurs et une résistance... les deux petits électrolytiques sont
ceux de la CAG et celui de découplage cathode de l'EL41.
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Cela prend forme... Reste à remonter un bon EM80 et
faire un peu de cosmétique...
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Le tourne disque Philips AG 3016 fonctionne, et sa
cellule est toujours bonne, ce qui est assez rare !
Seuls les deux saphirs (microsillons et "normaux" 78
tours) sont à remplacer, car complètement usés ! Pour essai, un
vieux disque de Sheila époque "yé-yé" convient fort bien...
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Le bouton de volume ne tient plus fort bien sur son axe
et pour cause...
Intérieur cassé, recollé dans le temps, mais cela n'a pas
tenu... Lorsqu'on serre la vis il se fait un effort mécanique sur la partie en bakélite, qui est justement cassée. Classique...
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Recollage et remplissage au silicone colle pour le
renforcer.
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En ôtant le bouton de volume pour le réparer, celui de
tonalité qui semblait curieux apparaît pour ce qu'il est : une
réparation ancienne !
Le bouton d'origine, assez fin, était sans doute cassé
et on y a remis un autre bouton, percé de part en part ! Ce bouton de
remplacement étant plus épais que l'ancien, il ne reste que le bout de
l'axe pour serrer le bouton de volume... Ce qui explique peut-être
pourquoi il a cassé, serrage trop fort...
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Il me semblait bien, que dans mon stock de boutons....
Et voila un bouton d'origine ! J'étais certain d'avoir
un jour
démonté une épave d'un châssis Emud ! Et bien sur conservé les boutons,
c'est quelque chose qu'il faut toujours récupérer sur les radios qu'on
démonte. Parfois, c'est plusieurs décennies plus tard
que cela sert !
La preuve !
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Avec des pièces d'origine cela présente tout de suite
mieux.
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Avec un EM 80 bien lumineux, il présente fort bien, ce
poste !
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Et voilà ! Comme quoi... au premier regard, je pensais
arranger et engin en une heure ou deux et c'est bien plus de temps
qu'il a fallu !
Sous son air innocent et "presque fonctionnel", ce poste
cachait quelques "surprises" !
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© Radiocollection.be, Thierry Magis 2019
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