Réalisation d'un d'un système «d'ambiance sonore 40-45», la Radio sous l'Occupation : généralités.


Lors de visites d'expositions historiques concernant la guerre 39-45, on peut souvent voir des radios d'époque exposées. Mais, hélas, muettes. Ces anciens engins ne sont pas très compliqués à faire re-fonctionner, mais il faudrait encore les «nourrir» avec des sons d'époque !

Et pourtant les enregistrements de ces années ne manquent pas, tant côté allié (B.B.C. notamment) qu'Allemand ou collaborationniste (Radio-Paris, Radio-Bruxelles,...). Ces enregistrements ont été réalisés pour la plupart sur disques 78 tours, et souvent ré-édités par la suite, à titre de pièces historiques.

Pourquoi pas imaginer, pour une telle exposition ou pour mon projet de petit musée, un système rediffusant des sons d'époque sur une radio des années 30 ? Ceci ferait découvrir aux visiteurs quel fut l'usage de la radiodiffusion comme outil de propagande pendant ces années-là... Un visiteur pourrait tourner le bouton des stations de la radio, et entendrait sur les fréquences des émetteurs d'alors les différentes «ambiances sonores»...

Ceci, bien entendu sans prosélitysme, mais non plus sans censurer certains extraits sonores très désagréables. On peut imaginer ce que donnait par exemple Radio-Berlin dans ces années-là...


Clic sur les petites photos pour les voir en plus gros plan dans une autre fenêtre...


Le projet - cahier des charges :

1 : Il faudra donc un système pouvant être raccordé à un ancien poste de radio. Ce système devra être à fonctionnement et démarrage automatique dès que mis sous tension. La lecture des enregistrements audio devra démarrer de manière autonome, sans utilisation d'un ordinateur ou d'un magnétophone multi-pistes.

2 : Aucune autre radio que celle qui y sera directement connectée ne pourra capter ce qui sort de ce système. Evidemment ! De même, la radio qui y sera connectée ne devra pas capter d'autres émissions : il reste des émetteurs AM en service, et il serait anachronique d'entendre des émissions actuelles mélangées aux sons anciens ! Il faudra donc une connexion directe de ce système à la prise antenne du poste, et ceci par une connexion blindée.

3 : Les fréquences de modulation des sons devront correspondre à celles des émetteurs d'alors, afin que le nom des stations sur le cadran de la radio utilisée corresponde à ce que l'on y entendra.

4 : Chaque «station émettrice» devra bien évidemment diffuser des sons qu'on aurait pu y entendre dans ces années-là. Il faudra choisir une période, afin que tous les discours et annonces à entendre soient cohérents chronologiquement. Par exemple, ne pas entendre l'Appel de juin 1940 (De Gaulle) sur une «station», et l'annonce du débarquement (1944) sur une autre...

5 : Il faudra restituer au mieux les conditions d'écoute telles qu'elles ont pu être. Le brouillage devra être présent (notamment sur la B.B.C.), ainsi que les parasites et le «fading». Les stations éloignées géographiquement devront être entendues faiblement, tandis que les stations proches ou de forte puissance devront être entendues à pleine puissance. Idéalement le poste de radio devrait être muni d'un indicateur d'accord (oeil magique), celui-ci se fermant plus ou moins fort en fonction de la station reçue.


Tout ceci étant énuméré, passons à la réalisation...

radio verticale

Il faut, tout d'abord, un poste de radio convenable et exposable ! Evidemment !

Celui-ci est un «sans marque» du milieu des années 30. Probablement une construction d'amateur, sur base d'un schéma d'une revue ou encore d'un ensemble de pièces (kit). Mais il est bien construit, solide, utilise des lampes américaines (série 6V), qui sont faciles à retrouver. L'ébénisterie est une «verticale» classique mais bien assemblée et finalement assez esthétique.

Totalement remis en état sur le plan électronique : remplacement de tous les condensateurs, toutes liaisons électriques contrôlées, fils de liaison vers le haut-parleur et câble secteur changés, connexion à la terre, ajout de fusibles sur les enroulements du transformateur,... Le voila prêt à reprendre du service. Cet appareil a déjà fonctionné des journées entières, sans aucun souci.

radio verticale

Dans une ambiance un peu sombre, il présente très bien, avec son cadran illuminé et son oeil magique 6E5 tout neuf, bien lumineux !

Pour cette application-ci, autant ne pas utiliser un appareil rare et / ou fragile... D'autant que celui-ci est assez typique, dans l'imaginaire collectif, d'une radio d'époque.

Le cadran est bien lisible, avec le nom des stations inscrites. Par contre, curiosité de cet appareil, quand on tourne le bouton de sélection des stations vers la gauche, l'aiguille part vers la droite et inversément! Ce sera un petit point d'amusement lors de l'utilisation...

Le poste de radio étant choisi et remis en ordre, il faut maintenant réaliser le système «d'émissions»...

Tout d'abord, quelques recherches historiques...

Il est nécessaire, pour trouver les enregistrements audio, de trouver une période intéressante. Un peu de travail d'historien fut nécessaire, avec quelques lectures et recherches...

La période finalement choisie est Noël 1943. Pourquoi ? Ce fut une moment difficile pour les populations. La guerre s'éternisait, la Libération annoncée ou espérée se faisait attendre. Il est possible de retrouver les enregistrements des messages de Noël de Pétain et de De Gaulle, mais également des causeries collaborationnistes de Philippe Henriot ou de Jean-Herold Paquis. Des discours des leaders allemands sont également disponibles assez facilement...(bien que datant de quelques mois auparavant, on peut imaginer une retransmission pour «réanimer» les foules). Pareil pour des chants de Noël (ben oui : il y en a sans doute eu tout de même, à la radio, ce soir-là....)

Après les recherches (références ci dessous), voici les stations qui seront «retransmises» vers le poste de radio:

  • Radio-Paris
    • 219.6m (1365.2kHz)
    • Repéré sur le cadran de la radio : «Ile de France»
    • Réception claire, oeil magique moyennement fermé, mais avec fading alétoire
    • Causerie de Philippe Henriot à la réunion "antibolchevique" du 24 décembre 1943 à Paris
  • B.B.C.
    • 261m (1149kHz)
    • Repéré sur le cadran de la radio : «Lond. N.»
    • Réception convenable, oeil magique moyennement fermé, brouillage mixé au son
    • Message de Noël 1943 de Charles de Gaulle
  • HO.NA.FU. (Hohere Nachrichten Fürher)
    • 356m (842kHz)
    • Repéré sur le cadran de la radio : «Berlin»
    • Réception très puissante, oeil magique fermé presque totalement
    • Discours de Goebbels au Berlin Sportpaleis (date de février 1943, rediffusion?...)
  • Radio-Vichy
    • 386m (775kHz)
    • Repéré sur le cadran de la radio : «Toulouse PTT»
    • Réception faible, oeil magique presque ouvert, fading aléatoire
    • Message de Noël 1943 de Philippe Pétain
  • B.B.C.
    • 449.1m (667.54kHz)
    • Repéré sur le cadran de la radio : «North reg.»
    • Réception très faible, oeil magique ouvert, difficilement audible, brouillage
    • Messages personnels (destinés à la Résistance)
  • Radio-Bruxelles
    • 483.9m (619kHz)
    • Repéré sur le cadran de la radio : «Bruxelles 1»
    • Réception pleine puissance, oeil magique totalement fermé
    • Reportage dans une école, après un bombardement. (1943 oui,  mais à Noël ? Difficile à vérifier mais crédible)
  • Radio-Stuttgart
    • 522.6m (573.66kHz)
    • Repéré sur le cadran de la radio : «Stuttgart»
    • Réception moyennement puissante, oeil magique presque totalement ouvert, sifflement interférence mixé au son
    • Chants de Noël en allemand par Wolfgang Kieling


Cela fait donc 7 stations actives. Trois autres modulateurs ont été ajoutés pour générer uniquement des bruits bizarres : craquements, sifflements...

Bien entendu, je suis à l'écoute de toute suggestion ou remarque concernant ces choix ! En effet, n'étant pas né à cette époque-là, je me base donc sur des témoignages et des documentations pour élaborer ce projet... Tout conseil ou source d'information possible est bienvenu.


Techniquement comment réaliser cela ? Il faut donc 7 modulateurs AM de très faible puissance, qui seront mixés ensemble et dont le résultat sera envoyé au poste de radio. Ces modulateurs ne devront pas s'interférer l'un l'autre ! Donc : de la distance et du blindage !

La réalisation est décrite dans les pages qui suivent celle-ci... Seul le module de bruits n'est pas décrit (3 modulateurs alimentés soit par des générateurs de bruit rose, de craquements ou encore d'un sifflement).

Références et documentations :

  • Histoire de la Radio et de la Télévision, Pierre MIQUEL, ed. Univers Contemporain 1972, ISBN 2-262-00322-X (ed. de 1991)
  • La Mission Samoyede, Ghislain Lhoir, ed. Didier Hatier 1984, ISBN 2-87088-534-2
  • La Guerre des Ondes, ed. RTBF Editions 1985, ISBN 2-601-00475-4
  • La Belgique à l'heure allemande, Jacques de Launay, ed. Legrain 1977 (ISBN?)
  • La vie quotidienne des Belges sous l'occupation 1940-1945, Jacques de Launay, ed. Legrain, 1982 (ISBN?)
  • De la TSF à l'électronique, A. Vasseur, ed. ETSF 1975 (ISBN?)
  • Les Opérateurs Radio Clandestins, Jean-Louis Perquin, ed. Histoires et Collections 2011, ISBN 978-2-35250-182-4
  • «Vive la Radio!», Brochure de l'exposition à Bruxelles, CGER 1980
  • Wikipedia (recherche sur les différents personnages intervenant dans les extraits sonores choisis)
  • La radio en Belgique, site de la Sonuma
  • Archives sonores sur le site de l'INA
  • ...
  • Merci à toutes les personnes, ayant vécu ces années difficiles, pour leurs témoignages !
  • Merci également à Jean Degryse et Jacques Motquin pour les documents sonores et la restauration de ceux-ci !

© Radiocollection.be, Thierry Magis 2012-2018


Suite de cette construction : le rack de base

Retour page réalisations

Retour page accueil