Réparation
d'un poste à souder Cebora modèle TIG1540DC HF
De l'électronique «Mammouth» : un
poste à souder en panne.
Ah, cela change des radios anciennes et des
électroniques délicates genre magnétophones Studer !
Ici, de la bonne grosse électronique de puissance : un
poste à souder type TIG (aussi prévu pour le mode MMA), fonctionnant en
technologie «inverter» : c'est donc une très grosse alimentation à
découpage, un peu spéciale !
La technique de soudage TIG (Tungsten Inert Gas)
fonctionne avec une électrode en tungstène, qui ne fond pas et donc ne
se «mélange» pas dans le cordon de soudure en cours de réalisation. La
gaz (Argon ou mélange Argon-Helium) est injecté à l'endroit de la
soudure, à travers l'électrode.
L'électrode est au potentiel négatif et la/les pièces à
souder au potentiel positif. L'amorçage est réalisé grâce au gaz.
L'appareil ne débite que lorsque le soudeur appuye sur le bouton de
l'électrode.
En mode MMA (Manual Metal Arc) ou l'a l'arc, l'appareil
délivre une tension permanente, qui permet d'amorcer l'arc. Cette
tension baisse une fois l'arc amorçé.
N'étant pas spécialiste en soudage, je n'irai pas plus
loin dans ces explications.
Ce qu'il faut retenir est que ces appareils sont des
puissants générateurs, dont le courant de sortie
est régulé.
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Etat des lieux : A surchauffé car utilisé sous une
bâche pour le protéger de la pluie... Mais voilà, cet engin a besoin
d'une aération active, et est muni d'un ventilateur pour cela. Avec les
ouïes de ventilation couvertes, l'électronique a eu (trop) chaud.
Maintenant, il fait sauter les protections du
circuit d'alimentation lorsqu'on l'allume.
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En enlevant la buse de canalisation de
ventilation, on découvre trois refroidisseurs, montés dans le flux
d'air.
Tout est de bonne taille, la-dedans : le transfo,
les selfs, les sections des conducteurs,... Logique puisque le courant
de sortie peut atteindre facilement 160 ampères !
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Avant de se lancer à corps perdu dans la recherche
de la panne, il faut prendre le temps d'étudier un peu l'engin... En
effet le schéma du constructeur n'étant pas disponible, il faut donc le
reconstituer, au moins partiellement.
Comme l'écrivait l'excellent Roger Crespin : «Dès
qu'il a ouvert le ventre de son client, tout chirurgien qui se respecte
doit probablement se recueillir et se dire : “ voyons... jusqu'ici
c'est le gésier, et jusque-là c'est la rate. C'est bien ce petit
machin-là qu'il s'agit de mettre hors-circuit”. Pour peu qu'il n'oublie
pas sa pipe dans les replis de l'intestin, un tel praticien fera
évidemment du meilleur travail que celui qui se recueille après, à
l'enterrement.» (Mémento Tungsram, vol 1 et 2 réunis, ed. 1947). De
l'humour d'époque, certes, mais asssez juste ! L'auteur décrivait dans
cet ouvrage la méthode de dépannage des postes radio d'alors : une
réparation devait commencer par une étape ou l'on regarde et analyse.
Eh bien ! Faisons de même en commençant par une
observation minutieuse, avant d'y porter le moindre coup de fer à
souder. Voici les trois principales parties de cet appareil. Le primaire
est relié au secteur et comprend redresseur, condensateurs de filtrage
et semiconducteurs de puissance. Le secondaire est
isolé du primaire et contient le redressement et filtrage de la tension
de sortie, et parfois une partie (ou la totalité) de la régulation.
Dans cet appareil-ci, la régulation est
indépendante et isolée tant du primaire que du secondaire.
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Et maintenant, les principaux «organes» que l'on
retrouve dans les trois parties fondamentales de ce système. Le
fonctionnement et l'usage de ces organes est décrit ci-dessous.
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Voici le relevé du schéma-bloc de cet appareil. Il
manque beaucoup de choses, mais ceci est suffisant pour comprendre le
fonctionnement global.
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Le fonctionnement, dans les grandes lignes :
Le secteur arrive directement sur le filtre,
installé sur le circuit imprimé. Ce filtre est constitué de plusieurs
condensateurs et d'une bobine, que l'on voit sur la photo ci-dessus. Le
secteur est redressé par un bloc redresseur 25A (monté avec un
dissipateur de chaleur), et filtré par 3 condensateurs de 470µF. Pour
éviter une pointe de courant trop importante à la mise sous tension
(qui pourrait faire déclencher les protections de ligne), une PTC est
installée en série avec le redresseur. Après une petite temporisation,
elle est court-circuitée par le relais RC1. Aux bornes des
condensateurs on trouve une tension continue d'environ 310V, ceci
dépendant de la tension exacte du réseau secteur. La résistance R24
sert à décharger les condensateurs lors de la mise hors-tension de
l'appareil. La régulation est alimentée individuellement par un petit
transformateur, TF1. Enfin, le relais RC2 permet d'enclencher
l'électrovanne d'admission du gaz.
Les 8 transistors de puissance (ici des IGBT)
commandent le primaire du transformateur. Cet ensemble fonctionne à une
fréquence assez élevée (plusieurs centaines de kHz) afin de réduire le
volume de ce transformateur. Il s'agit ici d'une configuration
«forward», ou tous les transistors conduisent en même temps. Voici un
schéma simplifié permettant d'expliquer le fonctionnement.
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Pendant la conduction des transistors, l'énergie
est transmise au secondaire du transfo. La diode série avec le
secondaire laisse passer le courant vers la charge, à travers la
bobine. Celle-ci emmagasine de l'énergie. Les deux diodes côté primaire
ne conduisent pas (bloquées) et la diode «parallèle» secondaire non
plus.
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Lors du blocage des transistors, la polarités aux
enroulements s'inversent. Côté primaire, les deux diodes conduisent
(puisque la tension s'est brusquement inversée au primaire) et de
l'énergie est renvoyée vers le condensateur accumulateur. Le noyau du
transformateur peut se dé-magnétiser totalement. Au secondaire, la
diode série ne conduit plus, la seconde diode ferme le circuit, et la
bobine restitue l'énergie emmagasinée pendant la phase de conduction.
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Dans cet appareil, la régulation pilote
directement les transistors de puissance, qui sont commandés
simultanément via un transformateur d'impulsions et une interface de
puissance (une par groupe de transistors puissance) contenant un
transistor amplificateur de signal.
Pour réguler le courant secondaire (ce qui
intéresse le soudeur), ici le courant primaire circulant dans le
transformateur est mesuré avec un capteur à effet Hall. Un des
conducteurs du primaire du transfo passe «à travers» ce capteur (voir
photo ci dessous). La mesure de courant est envoyée à la régulation. En
mesurant le courant primare, et en connaissant le rapport entre le
nombre de spires primaire / secondaire du transfo, on peut déduire le
courant circulant dans le secondaire.
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Le capteur de courant à effet Hall.
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Contrairement à une alimentation à découpage
traditionnelle, ou la tension de sortie est régulée, ici c'est le
courant qui est important. Il n'y a donc aucun couplage entre la partie
secondaire de cet appareil et la régulation !
Le régulateur est constitué d'un système construit
autour d'un microcontrôleur. Le schéma de cette partie n'a pas été
analysé, sachant que de toutes façons toute l'intelligence se trouve
dans le software. Le but de l'analyse étant ici de pouvoir dépanner
l'appareil, pas d'en construire un... En face avant de l'appareil on
trouve un sélecteur de fonction, quelques diodes de signalisation, et
les potentiomètres de réglage du courant et des temps de montée du
courant lors de l'amorçage de l'arc.
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Le transformateur principal, 4 spires au
secondaire, et de bonne section !
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Côté secondaire, les diodes et la bobine font
partie du système de découpage «inverter». A noter qu'aucun des deux
«pôles» de ce circuit n'est relié à la terre, ceci permet au soudeur de
connecter l'électrode de masse soit au négatif (soudure MMA) ou au
positif (soudure TIG). Différents condensateurs servent
d'antiparasitage sommaire, le condensateur C49 permet d'avoir un signal
DC propre à vide (c'est à dire quand il n'y a pas d'arc amorçé). Un
filtre R-L-C peut être commuté en parallèle sur le secondaire du
transformateur par le relais RC3, mais je ne l'ai pas entendu se mettre
en marche pendant les essais, et j'ignore son rôle.
Enfin, un transformateur d'intensité est installé
sur le secondaire, au pôle négatif. Le secondaire de ce transfo
revient, via 5 condensateurs en série, sur un éclateur. Il est à
supposer que l'ensemble secondaire du transfo de courant et des
condensateurs fonctionne en résonnance à la fréquence de commutation.
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Le transformateur d'intensité sur le pôle négatif
ne comporte que 6 spires au secondaire (conducteur jaune). Derrière ce
transfo, la bobine du convertisseur forward.
A noter, le montage de ces deux bobines : elles
sont perpendiculaires l'une par rapport à l'autre, afin de ne pas
s'influencer.
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Vue rapprochée sur l'éclateur.
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L'éclateur est aussi connecté en parallèle sur un
composant non identifié (nommé X25 sur le schéma). Ce composant
ressemble à un transformateur, mais il n'y a aucune résistance mesurée
entre les broches de connexion ! C'est pourquoi il est représenté par
un rectangle en pointillés sur le schéma. Les deux autres broches de ce
composant sont connectées en parallèle sur le secondaire du
transformateur. Je suppose le fonctionnement suivant : en cas de
surintensité au secondaire, l'éclateur amorçe par le transfo
d'intensité et fait baisser la tension au transformateur via ce
composant «mystère»(?). Et en cas de surtension au secondaire du
transfo (arc non amorçé,...) l'éclateur amorçe également, via ce fameux
composant. Lors des essais, en mettant en marche l'appareil en mode TIG
(électrode connectée), cet éclateur a produit de belles étincelles, qui
ne sont pas générées par le transfo d'intensité puisque aucun
courant n'était consommé à ce moment-là. Il s'agit donc d'une
protection des composants secondaires. Mais sans savoir ce qui se cache
dans la «boîte X25», impossible d'en dire plus avec certitude...
A ce stade de connaissances, avec
l'identification sûre des composants principaux et la compréhension des
dangers que recèlent ces appareils, il
est possible de commencer la recherche du défaut. Des
informations complémentaires à lire sur la page «sécurité lors du dépannage»
de ce site.
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Le dépannage de ce type d'appareils :
Il convient tout d'abord d'être prudent, malgré la
résistance de décharge, les condensateurs mettent plusieurs minutes
avant de revenir à une tension DC inoffensive. Il faut attendre
la décharge complète avant de travailler dans cet appareil.
Ces condensateurs emmagasinent suffisamment d'énergie que pour tuer un
boeuf ! S'assurer de la déchage de ceux-ci en mesurant la
tension DC avant toute autre intervention.
Les pannes peuvent être de plusieurs types dans ce
genre de construction:
Panne côté primaire : claquage
du redresseur, court-circuit ou destruction des condensateurs,
destruction des composants de puissance, panne dans la commande de
ceux-ci, coupure du primaire du transformateur, défaut d'isolement. Ce
genre de panne produit souvent le claquage des composants de protection
(fusibles,...) dans l'alimentation.
Panne côté secondaire :
claquage des diodes de redressement, claquage des condensateurs de
sortie, coupure du secondaire du transformateur ou des bobines (très
rare, vu les sections des conducteurs!), défaut d'isolement. Ce genre
de panne produit souvent un blocage complet du système, ou encore le
démarrage de la régulation un bref instant, suivi de l'arrêt, puis ce
cycle recommence... Parfois, dans des appareils low-cost ou mal conçus,
un court-circuit au secondaire provoque le claquage du primaire, mais
c'est assez rare.
Panne dans la régulation : plus
de réaction du tout, commande permanente des semiconducteurs de
puissance, mauvaise régulation (qui peut faire claquer les composants
de puissance),... Ce genre de panne laisse souvent l'appareil
totalement inerte (cas ou la régulation ne pilote plus les transistors
de puissance); ou alors provoque des dégâts similaires à ceux d'une
panne côté primaire (cas ou la régulation enclenche les transistors
continûment)...
Ici le symptôme est le claquage de la protection
du circuit d'alimentation lors de la connexion. Ce qui provoque cela
peut donc provenir de deux endroits : panne dans le ciruit primaire
(élément en court-circuit) ou panne dans la régulation, qui maintient
en permanence les transistors en conduction. Bien entendu, vérifier
d'abord le câble secteur, l'interrupteur, le câblage interne, ... afin
ne pas commencer d'intenses recherches dans l'électronique pour un
simple défaut dans le câblage ! Si cela est ok, test du filtre secteur
et si en ordre, il faut faire un test de continuité entre le + et le -
du circuit DC.
Ce test de continuité dans le circuit DC montre
ici une résistance de quelques Ω dans ce circuit. C'est
illogique. Il faut donc suspecter les composants suivants :
pont redresseur, condensateurs, diodes et transistors de puissance.
Pour ne pas tout démonter, et tester l'intégrité
des transistors + diodes de puissance, j'ai dé-soudé un des conducteurs
du primaire du transformateur. Le court-circuit dans le circuit DC a
alors disparu. Ceci montre que ce court-circuit est localisé soit dans
les transistors de puissance, soit dans les diodes. A priori, après ce
test, on peut éliminer de la liste des suspects le pont redresseur et
les condensateurs (cela n'empêchera pas de les vérifier quand même,
plus tard)...
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Les deux dissipateurs sur lesquels sont installés
les transistors de puissance sont démontés. C'est bien à ce niveau que
se situe la panne, 7 IGBT sur 8 sont claqués (court-circuit franc entre
électrodes)!
Pour les démonter plus aisément, j'ai aussi ôté le
dissipateur du redresseur primaire.
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Etant donné qu'après ce démontage il ne semble
plus y avoir de court-circuit dans le circuit DC, rien ne s'oppose à
une mise sous tension pour tester tout le reste.
Pour les essais d'appareils aussi puissants, il
est important de limiter de courant de court-circuit.
En effet, lors de la mise sous tension, il est presque impossible de
prédire le comportement, donc autant limiter l'impact d'un éventuel
court-circuit ou amorçage. Ici, j'utilise un petit transformateur de
63VA installé dans une boîte d'un vieille alimentation de PC. Le
courant de court-circuit d'un tel transformateur est de quelques
ampères, cela limitera les dégâts éventuels!
Montée de la tension progressive, avec un variac
et en surveillant le courant consommé + mesure de tension sur le
circuit DC... Les condensateurs se chargent bien et dès qu'un certain
seuil de tension d'alimentation est atteint, la régulation s'active, le
processeur fait son test puis enclenche les relais. Des impulsions sont
présentes aux bases des transistors de puissance en mode MMA.
Essai concluant, il ne semble pas y avoir d'autre
panne que le court-circuit dans les IGBT.
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Le transformateur de 63VA utilisé pour les essais,
inséré entre l'alimentation de l'appareil et le variac.
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En avant pour la réparation maintenant !
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Les transistors IGBT et les diodes sont démontées
des refroidisseurs. La pâte thermoconductrice à sèché. Cela a du bien
chauffer...
Les composants sont maintenus contre l'aluminium
par des languettes élastiques. Il a fallu dé-souder tous ces composants
et enlever le tout ensemble hors du circuit imprimé, tant cela était
maintenu serré sur le refroidisseur !
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Après nettoyage des refroidisseurs, remontage des
composants de puissance.
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Un des deux refroidisseurs, prêt à être remonté
sur le circuit imprimé.
Oui, j'y ai été généreusement avec la quantité de
pâte thermoconductrice! Il faut absolument être certain qu'il y en ait
assez sur toute la surface de dissipation des composants. Pas grave si
cela déborde un peu...
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Remontage et essai... Pas de fumée, pas de
surintensité... Et en mode MMA, de la tension en sortie, ce qui est
normal ! Alimenté directement sur le réseau, la tension est de l'ordre
de 100V DC (ici sur la photo, l'alimentation se faisait toujours via le
petit transfo).
En mode TIG il faut court-circuiter les contacts
de la torche (dans le connecteur frontal) pour obtenir de la tension en
sortie. Mais, sans torche ni gaz, l'éclateur produit de belles
étincelles! Dans ce cas, la consommation côté secteur augmente, ce qui
est bien normal.
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L'essai «en situation» est concluant : de beaux
cordons de soudure à nouveau...
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